par Denis Desassis // Publié le 9 octobre 2015
Deuxième incursion à Nancy Jazz Pulsation 2015. La salle Poirel est pleine comme un œuf et s’apprête à accueillir avec enthousiasme le trio d’Avishai Cohen, précédé de celui du très prometteur pianiste Laurent Coulondre.
Jeudi 8 octobre. Que choisir entre Cerrone, chantre du disco, au Chapiteau de la Pépinière et une double formule en trio Laurent Coulondre / Avishai Cohen salle Poirel ? La réponse est vite trouvée, filons vers la belle salle nichée au cœur de la rue éponyme. Il n’est que 19h45 et pourtant, un public nombreux patiente tranquillement au-dehors, obligeant même les voitures à attendre qu’un peu de place leur soit faite. Hier déjà, on jouait à guichets fermés pour le concert d’Ibrahim Maalouf venu jouer le répertoire de son nouveau disque Oum Kalthoum. Le trompettiste devient une sorte de permanent du festival : programmé en 2013 et 2014, on sait qu’il sera présent en 2016, c’est officiel. Mais cette fois, c’est un autre habitué de NJP qui est à l’affiche : Avishai Cohen. Concert complet, une fois encore. Du côté de NJP, on peut se frotter les mains.
Ils sont jeunes et débordent d’une énergie qu’ils vont communiquer à un public qui, très vite, se laisse embarquer par la musique du trio de Laurent Coulondre. Ce dernier nous avait séduits au mois de mai dernier, quand le Marly Jazz Festival l’avait programmé en première partie de Jean-Christophe Cholet. Le pianiste-organiste fait beaucoup parler de lui depuis quelque temps, et en bien. Outre ses trois disques en trio (dont le troisième, Schizophrenia vient de sortir et constitue la base du répertoire de ce soir), on a pu l’écouter récemment aux côtés du trompettiste Nicolas Folmer et son projet Horny Tonky, dans le quartet jazz de la chanteuse Agathe ainsi que chez le saxophoniste Sylvain Beuf dont le récent Plénitude est une réussite à souligner. Sa formation est en réalité bien plus qu’un trio : Coulondre alterne piano et orgue, dont il joue parfois en même temps, le second lui servant aussi de basse d’appoint, en particulier quand le contrebassiste Rémi Bouyssière se saisit d’une basse électrique à six cordes, qu’il utilise parfois comme une guitare ; Martin Wangermée, tout sourire dehors et faisant face à Laurent Coulondre qu’il ne quitte pas des yeux, n’a pas d’autre choix que de se démultiplier derrière sa batterie, une tâche redoutable dont il s’acquitte avec une grande aisance. C’est peut-être la composition intitulée « Suspended Bridge » qui résume le mieux l’esprit de leur prestation : celle d’un pont suspendu entre les cultures et les continents. Donc entre bien des styles de jazz. Car la musique du trio est protéiforme, elle peut évoquer à la fois par son recours aux syncopes celui d’Ahmad Jamal, tout en regardant vers un jazz funk à la vigueur communicative (« Sunny Road Trip »). On est traversé aussi par l’idée que certains groupes de rock progressif ne sont pas si loin, tel ce final de « Schizophrenia » et le duel entre l’orgue et la batterie qui rappelle Emerson, Lake & Palmer. Une grande partie du nouveau disque sera passée en revue et c’est une pointe de frustration qui gagne le public lorsqu’il s’aperçoit qu’aucun rappel ne sera possible. Question de timing, et peut-être aussi d’impératifs liés à une captation vidéo. Quoiqu’il en soit, le trio de Laurent Coulondre aura bien plus que « fait le job » : sa mission séduction, attendue par certains et découverte par d’autres, est accomplie et va en appeler d’autres, c’est évident.Cerise sur le gâteau : on retrouvera le 12 novembre prochain Laurent Coulondre au Manu Jazz Club de Nancy, puisque parmi les artistes programmés durant la saison figurent Nicolas Folmer avec Horny Tonky. C’est une bonne nouvelle. C’est une bonne nouvelle. Et nous en profiterons pour vérifier si le pianiste continue d’assortir avec autant de classe ses chaussettes avec de somptueuses chaussures vertes dont la salle Poirel a eu la primeur !
Citizen Jazz © Denis Desassis lire plus…
Photo by Jean-Luc Karcher